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La responsabilité sociétale et l'ADN des ccTLDs

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Le 08/10/2013

 

La semaine dernière j’assistais à la 50ème assemblée générale du CENTR (Council of European National Top Level Domains, l’association professionnelle des Afnic européens), qui se tenait à Bruxelles. Y participaient plus de 70 représentants d’offices d’enregistrements, de gestionnaires d’extensions « pays », bref des homologues de l’Afnic, que je qualifierai ici par leur acronyme préféré : des ccTLDs (country code Top Level Domain, domaine de premier niveau correspondant à un code pays).

50 assemblées générales, c’est évidemment un jalon important dans la vie de cette organisation discrète et remarquable, dont la première réunion s’était tenue à Paris en 1998. Evidemment ce fut l’occasion de réfléchir au chemin parcouru et à ce qui fait son succès.

Cette réflexion est d’autant plus d’actualité que les membres du CENTR, gestionnaires des fameux « codes pays » comme le .fr ou le .uk, sont confrontés à de grands changements :

  • le lancement des nouvelles extensions par l’Icann qui fait évoluer très rapidement les frontières classiques du secteur, entre extension pays et extension générique par exemple
  • une baisse tendancielle de la croissance, qui accompagne naturellement l’arrivée à maturité du secteur des noms de domaine
  • les effets incertains de l’affaire Snowden sur la gouvernance Internet (à ce sujet voir l’excellent post de mon homologue Canadien Byron Holland, intitulé, sans provocation aucune : The Internet as we know it is dead).
Pour discuter de ce qui nous rassemble, les organisateurs de la réunion avaient choisi le thème de la responsabilité sociétale d’entreprise (RSE), dans l’idée que nous pourrions mettre en valeur la responsabilité sociétale particulièrement importante des ccTLDs. Beaucoup de membres ont ainsi des programmes de soutien à l’éducation, de partage de connaissances, d’information du public ou de respect environnemental. Ainsi lors de la réunion de la semaine dernière ont été discutées des actions de notre homologue belge en faveur de l’équipement informatique des écoles, un programme d’éducation des élèves à la construction de sites Internet en Suède, ou encore le développement, toujours par nos collègues de IIS.se, d’outils de mesure de la qualité de service du haut débit.
L’Afnic pour sa part agit notamment depuis sa création pour le développement de compétences clés chez ses homologues de pays en voie de développement,  au travers de son Collège International. Lors du Forum sur la Gouvernance Internet prévu fin octobre à Bali, le CENTR animera d’ailleurs un atelier sur le thème  de l’engagement des ccTLDs au service de leur communauté.
Il est sûr que ces engagements distinguent nettement les ccTLDs de certains autres acteurs du secteur. Toutefois au cours de cette discussion il est apparu une certaine confusion entre deux choses assez différentes :
  • la responsabilité sociale des entreprises ou organisations, qui consiste à aller au-delà de la mission de base ou des engagements légaux d’une organisation, en conduisant des actions au service de l’environnement, des collaborateurs, des communautés locales ou de la société en générale. Un certain nombre d’acteurs du secteur des noms de domaine, au-delà des ccTLDs, ont de telles politiques.
  • le fait que la mission même de l’organisation soit focalisée sur la fourniture de services utiles à la collectivité, et que son fonctionnement intègre très largement la consultation des parties prenantes.
Ma propre réflexion m’amène à postuler que ce qui rassemble les ccTLD, les Afnic de toute l’Europe, ce n’est pas un engagement particulier en responsabilité sociale, mais plutôt le fait que cette responsabilité est intégrée dans nos organisations par construction, par leur objet même, quelle que soit la structure juridique du ccTLD. Nous avons tous un objet social d’intérêt public, et des préoccupations de consultation et d’association des parties prenantes intéressées à nos décisions.
Ceci ne surprendra pas les fins connaisseurs de l’Internet puisque cela résonne avec les RFC fondateurs (RFC 1591) qui parlent des ccTLDs en ces termes : These designated authorities are trustees for the delegated domain, and have a duty to serve the community.
En France, ce n’est pas non plus sans rappeler la récente décision du conseil d’Etat qui qualifie officiellement la gestion du .fr de mission de service public (plus de détails sur cette décision). L’engagement de créer un Fonds de Soutien au Développement de l’Internet alimenté par les bénéfices du .fr illustre parfaitement l’objet social de l’Association : « favoriser le développement de l’Internet en France ».
Mais au-delà de ces aspects de standardisation ou strictement juridiques, c’est surtout le reflet d’une réalité de la culture des ccTLDs. J’ai pour habitude de recevoir chacun des nouveaux collaborateurs de l’Afnic environ deux mois après leur arrivée pour leur demander ce qui les a surpris depuis leur arrivée. Dans ces « revues d’étonnement », un élément revient très fréquemment : chacun des arrivants est frappé par le fait que le travail que nous réalisons a du sens, que chacun sait qu’il sert un but collectif et pas seulement l’atteinte d’objectifs d’un petit groupe de dirigeants ou d’actionnaires.
En somme, en dépit d’une grande variété de structures parmi les différents ccTLDs, la responsabilité sociétale fait partie de notre constitution même, et j’espère que nous n’oublierons pas de le rappeler pendant encore au moins les 50 prochaines Assemblées Générales du CENTR !