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Syreli : peut-on se prévaloir d’un droit postérieur à un nom de domaine pour obtenir gain de cause ?

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Le 06/07/2021

À l’occasion de la décision FR-2021-02272 eat.fr rendue le 25 mars 2021, le Collège Syreli a innové dans sa jurisprudence en matière d’atteinte aux droits de propriété intellectuelle, et plus précisément lorsqu’un nom de domaine a été enregistré antérieurement aux droits invoqués par le Requérant.

Le 28 janvier 2021, la société JUST EAT HOLDING LIMITED a déposé un dossier Syreli en demandant la transmission du nom de domaine eat.fr au bénéficie de sa filiale française, la société EAT ON LINE.

Tout d’abord, le Collège a reconnu l’intérêt à agir du Requérant au motif que le nom de domaine litigieux était similaire à la dénomination sociale et aux marques du Requérant.

S’agissant de l’éligibilité du Requérant, société située sur le territoire du Royaume-Uni, la décision a permis de rappeler que lorsque le Requérant n’était pas éligible[1] à la Charte de nommage il pouvait :

  • Demander la suppression du nom de domaine ; ou
  • Demander la transmission du nom au bénéfice d’une filiale détenue à 100%, remplissant les conditions d’éligibilité de la Charte à condition de prouver son lien juridique avec la filiale.

En l’occurrence, la demande de transmission au bénéfice de la filiale française EAT ON LINE était recevable. L’examen du dossier pouvait donc se poursuivre …

C’est sur le terrain de l’atteinte aux dispositions de l’article L.45-2 du CPCE que le Collège a innové.

En effet, le nom de domaine litigieux eat.fr a été enregistré le 20 avril 2005 soit antérieurement à la dénomination sociale du Requérant, constituée le 28 avril 2005, et à ses marques enregistrées entre 2014 et 2016.

En situation habituelle, le Collège aurait rejeté la demande Syreli à ce stade au motif que le nom de domaine eat.fr était antérieur aux droits invoqués par le Requérant.

Cependant, au regard des pièces fournies par le Requérant, le Collège a pu constater plusieurs éléments déterminants pour la suite du raisonnement et l’issue de la décision.

Premièrement, une décision de l’OMPI avait déjà conclu à la mauvaise foi du même Titulaire et relevé sa volonté de se placer dans le sillage du Requérant. Cette décision avait d’ailleurs entrainé un transfert des noms de domaines litigieux au profit du Requérant.

S’ajoute à cela, des éléments probants sur le contenu même du site web vers lequel renvoie le nom de domaine litigieux : de sa date d’enregistrement au 6 mars 2018, le nom de domaine eat.fr a redirigé soit vers une page vierge, soit vers une page de mise en vente dudit nom de domaine.

Mais à partir du 18 juillet 2019, date du renouvellement du nom de domaine eat.fr, il redirigeait désormais vers un site web reproduisant non seulement la charte graphique des sites du Requérant mais aussi la police d’écriture et la couleur des éléments figuratifs des marques “JUST EAT” de ce dernier.

Enfin, des pièces démontraient que le site web proposait un service concurrent de celui proposé par le Requérant et se présentait comme faisant partie du groupe ALLO RESTO, groupe appartenant au Requérant.

Le Collège n’a donc pas manqué de constater que ce service de commande auprès de restaurants faisait directement référence à l’activité du Requérant et aux services couverts par ses marques. La mauvaise foi du Titulaire était alors prouvée, d’autant plus qu’il ne pouvait ignorer l’existence des droits du Requérant.

Dans ces circonstances particulières, le Collège a considéré pour la première fois, au soutien de l’article L.45-2 du CPCE, que c’était bien le renouvellement du nom de domaine eat.fr après le 18 juillet 2019, et non son enregistrement, qui était susceptible de porter atteinte aux droits de propriété intellectuelle du Requérant.

Cette actualité nous donne l’occasion de rappeler l’importance des pièces fournies par les parties lors de la constitution des dossiers Syreli. Elle ouvrira peut-être la voie à de futurs Requérants pour invoquer un droit postérieur à un nom de domaine…


[1] Le Royaume-Uni n’est plus un territoire éligible depuis sa sortie définitive de l’UE, le 1er janvier 2020.